[Traduction d’une lettre ouverte parue dans The Guardian le 21 mai 2015.]
La Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) se terminera ce soir à New York. Amnesty International et la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) partagent la profonde inquiétude exprimée par les États parties au TNP en 2010 concernant le « risque que continue de représenter pour l’humanité la possibilité que les armes nucléaires soient utilisées et des conséquences humanitaires catastrophiques qu’entraînerait un tel emploi ». Les États doivent maintenant décider de lancer un processus visant à l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires.
Les discussions sur l’impact humanitaire des armes nucléaires qui ont débuté à Oslo en Norvège, et qui se sont poursuivies à Nayarit au Mexique et à Vienne en Autriche, ont représenté un tournant dans le débat international sur les armes nucléaires. Les témoignages et les études alarmantes présentés par les médecins, les physiciens, les spécialistes du climat, les organisations de défense des droits humains, les organisations humanitaires et surtout par les survivants, sont parvenus à changer le discours sur les armes nucléaires et à ouvrir un espace pour une meilleure participation de la société civile, des organisations internationales et des États non dotés d’armes nucléaires dans ce débat.
Les armes nucléaires sont uniques en raison de leur gigantesque pouvoir destructeur au moment de leur détonation. De plus, l’explosion d’une arme nucléaire affectera l’environnement et la santé humaine pendant des décennies. La seule fois où les armes nucléaires ont été utilisées (à Hiroshima et Nagasaki) elles ont tué des dizaines de milliers de civils, et ces deux bombes étaient relativement petites par rapport aux normes d’aujourd’hui. De par leur capacité à infliger des souffrances humaines indicibles et leur effets indiscriminés, il est difficilement imaginable que leur utilisation puisse être compatible avec le droit international. Cependant, les armes nucléaires sont les seules armes de destruction massive à ne pas être encore interdites par un traité international. Les trois conférences sur l’impact humanitaire des armes nucléaires et la Conférence d’examen du TNP 2015 ont mis en évidence cette lacune juridique.
Une opportunité se présente aujourd’hui à la communauté internationale pour interdire les armes nucléaires. Il est clair pour nous et pour un nombre croissant d’États qu’un processus diplomatique destiné à interdire les armes nucléaires doit commencer de toute urgence. Ce processus diplomatique doit s’adresser à tous les États intéressés, même si les neuf pays qui possèdent des armes nucléaires ne sont pas encore prêts à s’y joindre. Le lancement d’un tel processus, nécessitera un leadership fort et nous estimons que les États non dotés d’armes nucléaires sont bien placés pour jouer un rôle de premier plan dans cette entreprise. Bien que nous ne prévoyions pas que la Conférence d’examen entame des négociations, étant donné qu’une telle décision devrait être approuvée par consensus, nous nous attendons à ce qu’un groupe d’États partageant les mêmes convictions lancent un tel processus pour le 70e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki en août 2015. Nous sommes convaincus que l’écrasante majorité des États se joindra à ce processus. Amnesty International et la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) sommes impatients de soutenir constructivement ce processus.
Marek Marczynski, Chef du secteur Militaire, Sécurité et Police, Amnesty International
Beatrice Fihn, Directeur Exécutif, Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN)